Poésie sur la vitre

© Marie-Amélie Tek 2023-2024

 

Le poème du jour d’avant le soir / éclairé du tulipier

La nuit avant le jour
De magie des tours dociles
Dansent dans les plis
Des virages de velours.

Lui qui creuse et donne soif
L’amour vient quand vient le soir
De ses ailes du miroir
Laisse entrer le papillon.

Puis s’envole dans le soir
Comme un astre des étoiles
Vient vers moi sans le vouloir
La lumière dans le soir.

Le poème rose d’après le soir / au son des tulipes

Retrouvé le cœur du coquelicot
Tout de noir collé au berceau
Rouges les pétales, pourpres les feuilles,
Feu le sang de la terre
Bûcher couronné des ombres passées.

Délivrés aux branches d’iris
Sont les cieux et les feuilles
De rosée, sous l’écorce,
Les mots fredonnent la chanson,
D’ici les notes disent : allons !

Il dit qu’il aime le couchant
Prélude au phare de la nuit
Toujours la chevauchée de la lune ;
Je préfère le ciel qui s’ouvre
Aux grands yeux de l’insomnie.

Un bouton sur mes lèvres
Un mot qui se retient, une prose,
Ou deux, cent, mille choses.
La vraie couleur de l’aurore :
J’ai dit une aube en robe rose.

 

Le poème rond de midi pile / sous la lampe du mimosa

Point rond lancé
Balancé sur la toile
Dessous le disque
Les branches penchées.

Pois plume de soie
Parfumé vite semé
Par le vase à la table
De nappe constellée.

Balle de mousse
Pure de rayons
Du monde ramassé
D’or roulé pomponné.

Bille gonflée
Au-dedans du globe
Des pieds à la tête
De joie pure étonnée.

Bulle dans l’air
Lancée dans l’espace
De l’épaisseur du ciel ;
S’éprend des étoiles.

Le poème blanc sur la vitre / à coups de perce-neiges

Des gouttes blanches sur la neige
Sous les pas serrés de mes bottes
Vert et noir le tapis tamisé
Sur le chemin qui cahote.

La forêt craque entre les bois
Et la nature me croque à demi,
La cabane à bouts de bras
Des troncs aux fils dénudés.

Les veilleuses sont allumées,
Lanternes, bougies dressées
Avec les cartes et les dés
Et l’essence dans le poêle.

L’odeur du pétrole voile le jour
Et les vitres pleines d’eau
Boivent le pré qui s’enroule
Sur deux chevaux et la haie.

Le vent souffle sur la forêt.
La nuit étouffe les repas chauds.
Le gâteau, des lumières sonores,
A côté, un livre attablé à la dictée.

Je songe qu’il pourrait y avoir là
Un oiseau, d’un cœur vert tendre,
Du bleu pour ses grandes ailes
Une plume pour écrire la suite.

De l’histoire, je devine la musique
Des arbres longs en cadence,
Des feuilles couchées par la rosée,
Des perles écloses sur le matin.

Les fleurs volent avec l’oiseau bleu,
Les deux chevaux debout dans le pré,
L’un brun l’autre blanc,
Sur la glace gagnée par le soleil.

Le poème pour aller valser / en camélia décidé

Son petit visage debout dans la main
La fleur, la tête dans son masque
Secoue ses pensées, fait naître des vagues
Contemple ses feuilles, sa robe d’écailles.

L’autre main portée au côté, pour aller danser,
Laisser ses semelles, dans ses pas sauter
Folies à montrer, rêves à balancer
Vertige de la piste, du sucre de canne.

Elle danse sans savoir, les mots en camélia
La corolle penchée, trop vu, trop bu
D’eau du ciel remplit sa carafe
Sous sa tige posé, un pétale attendri.

Le poème mauve / le lilas qui flanche

Le lilas s’est posé sur la haie
Sur le fil des lettres desséchées
Mon pamphlet du matin aux sons
De brise, aux pousses de miel.

Les grappes mauves vengent l’hiver
Les enfants du chemin de l’école
Les abeilles aux rubans noués
C’est l’heure qui sonne les cloches.

Les corolles en essaims se fardent
Aux rayons frais d’un instant matinal
Mon regard parfumé cherche alentours
Les têtes violacées et pomponnées.

Ce parme au-dessus les grilles
Penché sur les trottoirs les rues,
Les grands lilas pris dans le sillage
Des tambourins : le printemps est revenu !

Le poème aplani / petite pomme pour l’éternité

Fleur de pommier feuilles emmêlées, sur le billot
Parfumée, un peu paumée, sur les cernes coupés
Éparpillée, dans le grand cercle à méditer
Aux héritiers attablés et de vert gantés.

Petite oie blanche mouchetée, sur la côte posée
Ces visages lointains à caresser, tout ce travail à livrer
Lui vient l’idée se s’aplatir dans un livre
Entre deux pages, enfin se reposer d’avoir veillé.

Entre les lignes des vers des éons de rimes
Des notes et des images, fleur de pommier parfumée
De la table à la feuille a décidé
Qu’il était bon de se coucher pour l’éternité.

Fin du labeur, l’humanité des gens débraillés
Du jardin s’en aller et retourner, du pommier
Choir et grimper, et sous l’arbre retomber
En graines parfumées. Qu’il est doux d’aimer.

Le poème en boucle / la fleur au firmament

Elle a vu voler haut un petit point farouche
Elle a admiré du ciel les caresses de l’aube
Elle a grimpé aux arbres pour toucher aux nuages
La fleur rose a le cœur plus grand que les pétales.

Elle a offert aux Dieux ses amours de passage
Elle a cligné de l’œil aux amants aux naufrages
Elle a cru les aveux les offrandes des mages
La fleur tendre s’est perdue dans le vent de ses voiles.

Elle s’est fermée là-haut dans la tour sur ses troupes
Elle a fait voltiger des ardeurs la déroute
S’est brûlée aux flambeaux piquée aux étendards
La fleur sombre a suivi les vivants jusqu’aux tombes.

Elle a dicté l’amour à la lune aux chats noirs
Elle a flirté le soir dans les longs corridors
Les ivrognes les soudards et tous ces gens en -ar
Elle a trouvé des nids miraculés et nés
La fleur blanche croit encor au chevalier en armes.

Elle a courbé le dos sous le poids des bagages
Elle a senti siffler la nuit les avalanches
Elle a perçu de loin l’air qui vient pour la prendre
La fleur rouge fait voler le sang dedans ses franges.

Elle a prié le jour aux miracles les saints
Elle a vu planer haut des ailes déplorables
Elle a loué le Très-Haut dans Ses bras plus d’alarme
La fleur sage est bercée au son du fond des âges.

Elle a suivi les navires des tempêtes du large
Elle a multiplié les traces sur des coques en cage
Elle a couru les bois sans savoir l’embuscade
La fleur bleue a l’horizon pour vaste paysage.

Elle a joué tous les jeux et des pions en pagaille
Elle a fermé les mains sur des herbes en tenailles
Elle s’est couchée le soir dans de l’ombre très noire
La fleur-joie y croit tant qu’elle enrage.

Elle a mangé le soleil bu les cent saisons
Les moissons les dunes et les oies sauvages
Elle ouvre sur sa natte ses pétales offertes
A la nuit aux astres aux échappées nouvelles
La fleur rose est ce soir firmament des étoiles.


 

Le poème retardé / le magnolia oublié

Dans le fond du panier, l’animal oublié
Un pois de soie frondeur dans la grande corbeille
Le magnolia dans la nasse, l’étoile repliée.

Il est sans armure, la parure fort belle
Sa branche joue des coudes, ses feuilles en bataille
Fleurir en plein hiver, d’où lui vient cette idée ?

A cette pensée, la fleur gonfle ses ailes
Ses bras se tendent, ses nœuds se fondent
Le magnolia des yeux fixe la mire.

L’étoile est dans le ciel.

L’aurais-je donc rêvée couchée dans son linceul ?
Du soleil aveuglée à chercher la petite main rose
Dont le noir profond dissout le fond du puits.


 

Le poème encensé / la glycine au mur nu

La glycine s’est accordée au mur aveugle et nu.
Blanc de mur, blanc de peau nue battue aux quatre coins des rues.
Des trophées de fleurs de vases renversés ;
L’or, la myrrhe et l’encens ont des reflets tricolores.
On secoue les grappes comme on sonne des cloches,
Il est une heure éternelle où nos doigts pêle-mêle
Vont tresser solidaires les branches des ramiers.


 

Le poème tombé du ciel / prunus étoilé

Les petits soleils ont explosé en rayons aux tiges annelées.
Je ne sais plus très bien si des fleurs un arbre a poussé
Si le rose des cieux s’est posé sur ses membres.
Le sol est un tapis de pétales et de graviers que le soir a piétiné.
Les allées sont colorées des étoiles et des gouttes de rosée.
Demain je verrai les fruits mûrs aux jolis bras de mai.

 

Le poème bouche bée / l’iris né dans le vent

Il a la langue bien pendue,
Un anneau jaune serti au cou,
Des oreilles et des voiles dehors.
Il est dressé près du grillage
Et des herbes dorées
Que la terre a germé.